5h30
Un frisson parcourt mes épaules. Il ne fait pas vraiment froid et le printemps qui revient sur Inglewood me permet de passer mes journées à la boutique en robe légère. Pourtant, en me levant si tôt, j'aurais du penser à prendre de quoi me couvrir. Le jour est en train de pointer le bout de son nez à l'horizon, les premières lueurs de l'aube s'élèvent au dessus des collines vers l'est. Je m'attarde un peu sur ces couleurs encore pastels mais qui ne devraient pas tarder à se vivifier d'ici quelques minutes. La beauté de la naissance d'une journée c'est quelque chose qui a toujours eu un effet étonnant sur moi. Un effet indescriptible. L'effet d'une naissance, peut-être aussi belle que si l'on donnait la vie. Je n'en sais encore rien, la vie elle-même ne m'a pas permis d'avoir cette chance là. Mais peut-être qu'un jour ...
Enfin, je m'égare dans mes pensées et j'en viens presque à oublier qu'il faut que je m'occupe de mon magasin. Le livreur ne devrait d'ailleurs plus tarder. Mon livreur aujourd'hui, c'est un petit chinois qui s'est installé dans le coin. Il pratique des tarifs abordables et semble être un acharné du travail. Une aubaine pour moi, même si ma boutique n'est pas vraiment en difficulté financière depuis quelques temps. Pour faire un bon jeu de mots, je pourrais même dire que je me trouve dans une situation florissante.
Bref, le voilà qui arrive et qui recule dans l'allée parallèle à la boutique. Au fond, il pourra ouvrir les portes de son camion et livrer ces fleurs que j'attends depuis quelques semaines déjà. De magnifiques spécimen d'Hibiscus, venus tout droits d'Honolulu. Pas la porte à coté c'est vrai, mais les transports font des miracles de nos jours. Miracles que je paye au prix fort, mais j'espère bien pouvoir me rembourser rapidement en les revendant bien. Il ne faut pas plus de trente-cinq minutes à mon fournisseur pour débarrasser son camion, aidé pour la peine par ce brave Juan, un petit mexicain d'une quinzaine d'années tout au plus qui m'aide chaque matin contre quelques dollars. Il travaille au noir, mais il travaille bien et n'a pas peur de se lever tôt pour gagner cet argent qu'il mérite amplement. Si tout le monde était comme lui, il y aurait peut-être un peu moins de problème sur cette pauvre terre.
Je regarde ma montre. C'est un mauvais défaut que j'ai souvent lorsque le temps ne passe pas assez vite. Comme si j’espérais que de la sorte les minutes s’égrainent plus rapidement. Puéril.
J'ai cependant encore beaucoup de travail. Je dois tout mettre en place pour l'ouverture dans deux heures. Sortir les étalages et préparer mes fleurs. Il faut qu'elles soient resplendissantes pour attirer le regard et la narine. C'est une réel travail que voilà même si beaucoup pensent que tout cela est très simple. Une boutique où les fleurs ne sont pas ouvertes lorsque le client arrive est une boutique qui se dirige assurément vers la faillite. Ce ne sera pas le cas de la mienne.